Restaurer le loud

Le « Haj Ameur » est un authentique loude tunisien dont l’épave gît depuis plus de 15 ans au bord de l’étang du Barcarès. Ce voilier de travail, à la silhouette unique et au gréement étrange est emblématique des îles Kerkennah. Il a été ramené en 1996 de Tunisie en Languedoc par une association qui, quelques mois plus tard été contrainte de cesser ses activités. Faute de moyens humains, matériels et financiers le loude se dégrade lentement au fil du temps et des coups de Tramontane. Les loudes autrefois nombreux ont aujourd’hui disparu de l’archipel alors même qu’ils revêtent une dimension historique et culturelle importante aux yeux des associations de sauvegarde du patrimoine maritime, tant tunisiennes que françaises.

Une poignée de bénévoles, engagés depuis longtemps dans la sauvegarde des bateaux traditionnels méditerranéens et conscients de sa valeur patrimoniale, a décidé de relever le défi de le faire revivre.

Les conditions étaient réunies pour que le projet prenne corps : des hommes attachés  au patrimoine maritime, un bateau de travail historique en train de mourir et la possibilité d’un lieu d’accueil tout désigné pour sa restauration : le dernier chantier naval traditionnel de la ville de Sète, à la Plagette au bord de l’étang de Thau, un site associatif  emblématique d’un patrimoine côtier méditerranéen fortement menacé. La conjonction de ces éléments, en complète résonance, et qui se confortent mutuellement, inscrit ce projet  de restauration dans une cohérence évidente.

Ainsi « LE LOUD », une association de type 1901, s’est constituée afin de sauver cette embarcation et de la faire naviguer. L’annonce de ce projet a vite traversé la mer et a eu dès la première heure l’adhésion enthousiaste de Tunisiens attachés au souvenir de ce bateau disparu. C’est donc en toute logique que la restauration de ce loude, que le hasard a amené dans nos eaux, s’inscrit dans une démarche d’échanges culturels et techniques entre les deux rives de la Méditerranée. Elle est soutenue par des instances administratives ou fédératives hexagonales telles que la Fédération du Patrimoine Maritime Méditerranéen mais s’appuie également sur des associations tunisiennes et franco-tunisiennes.

Le propos est en premier lieu de sauvegarder la mémoire de ce bateau traditionnel en fixant son plan de formes, ses caractéristiques architecturales et en recueillant parallèlement tout un ensemble de documents, images, témoignages se rapportant au contexte historique, économique et ethnologique relatifs à la construction et à l’exploitation de ce bateau en tant qu’outil de travail. Dans cette quête, l’apport de nos partenaires tunisiens sera prépondérant.

Dans un second temps il s’agit de restaurer et de faire naviguer ce loude pour le faire connaître au public et représenter la Tunisie aux grandes manifestations nautiques comme Brest, Escale à Sète ou les Latines de Saint Tropez. Enfin, à plus long terme, nous nourrissons l’espoir qu’un autre loude sera restauré sur la rive tunisienne, pour voir cette embarcation emblématique naviguer dans ses eaux d’origine. En attendant ce moment, l’environnement marin de l’étang de Thau étant, en bien des aspects, proche de celui des Kerkennah, le loude sera en totale harmonie avec cet espace lagunaire d’accueil et de navigation.